C’est bien connu, les cordonniers sont les plus mal chaussés. J’en suis le plus bel exemple, moi qui répète sans cesse aux entrepreneurs qu’il est non seulement nécessaire d’établir un dialogue avec ses clients, mais de le nourrir continuellement. Et voilà donc que j’ai omis de vous écrire dans mon blogue depuis plusieurs mois. Je pourrais invoquer milles excuses pour me disculper, mais je préfère faire mon mea culpa. Il faut dire que les forums ne manquent pas pour nous rejoindre. Nous sommes tous confrontés à l’avalanche de notifications « d’amis » ou relations, que ce soit sur Facebook, Linkedin ou Twitter. Conscients que ces réseaux sociaux constituent un nouveau mode de communication, on s’y initie et, graduellement, on y explore différentes facettes. C’est également, pour plusieurs contemporains, une façon d’exister, de sentir que l’on fait partie d’un ensemble; que l’on est en connexion en quelque sorte. L’afflux de tous ces messages renforce la vérité ontologique des uns. Les autres, et j’en suis, demeurent plutôt dubitatifs et inquiets de l’impact d’un tel phénomène sur la vie personnelle des gens et leur capacité d’introspection. Peut-être suis-je dans l’erreur, et je ne demande pas mieux de rencontrer quelqu’un qui puisse témoigner d’une transformation intérieure suite à une thérapie « facebookienne ». Je suis persuadé que, tout comme moi, vous connaissez plusieurs personnes qui angoissent dès lors qu’elles n’ont pas reçu au moins un courriel ou un message Twitter dans les 5 dernières minutes. Soumises à ces à-coups de faits divers successifs, elles voient leur attention et leur esprit se soustraire de cette lassante existence où il faut réfléchir au sens des choses. À quoi bon d’ailleurs puisque tout a été inventé et que tout le réseau génère à lui seul tellement d’informations qui leur étaient inconnues jusqu’alors. « Ah bon, je ne savais pas que Bill avait des amis qui ont un bateau hors-bord sur le lac Champlain et que Bill pouvait avoir l’air de James Dean avec des lunettes-soleil. »
Plus sérieusement, il est plus que temps de marquer un point d’arrêt et de réfléchir aux effets à long terme de ces réseaux sociaux. Si Facebook et ses semblables nous auront, in fine, permis de prendre conscience du vide spirituel qui nous habite, alors ce sera déjà ça. C’est donc animé de telles croyances personnelles que je dois – souvenez-vous que les cordonniers sont les plus mal chaussés – recommander aux entrepreneurs de s’intéresser de près aux réseaux sociaux. Il y a là un dilemme, je sais. Mais au-delà de mes perceptions et sensibilités personnelles, les faits se dressent et commandent de ne pas ignorer ce véritable tsunami dans la dynamique des relations et le jeu des influences. Il suffit d’observer, tel que mis en évidence dans le tableau ci-dessous, l’empreinte du phénomène.
L’entreprise qui néglige d’analyser dès à présent comment elle peut tirer avantage de ces réseaux sociaux accroît son risque, le risque que ses concurrents la prenne de vitesse et que de nouveaux joueurs inconnus d’elle jusqu’alors émergent en exploitant la « viralité » qu’elles permettent. Longtemps perçu comme des plateforme de socialisation en quête d’un modèle de revenus, les réseaux sociaux voient aujourd’hui leur base de recettes s’élargir en offrant aux entrepreneurs différentes voies pour recruter des personnes talentueuses, renforcer les liens intra-équipes, accélérer la pénétration de nouveaux marchés, construire une marque et fidéliser les meilleurs clients. Si le dilemme demeure entier quant à leurs implications sur la vie personnelle des gens, il est indéniable qu’ils doivent faire partie de la réflexion stratégique des entreprises, et vite. D’ailleurs, Geoffrey Moore a bien raison de dire qu’en définitive la vente demeure bel et bien du réseautage social.