
Ayant été impliqué depuis plus de deux décennies dans de nombreuses démarches de planification stratégique, je pense être relativement bien placé pour en faire ressortir les bénéfices, mais aussi les limites. J’ai souvent remis en question les méthodologies trop rigides qui infléchissent la réflexion des décideurs vers le passé et le présent, plutôt que vers le futur. L’avènement d’outils et de systèmes permettant de saisir en temps réel l’humeur des clients (avec certains indicateurs prédictifs), de maintenir une veille de ses marchés (existants et adjacents) et de la concurrence (actuelle ou en gestation) et de décomposer à loisir nos processus, structure de coûts et valeur de nos clients ; tout cela a contribué à ce qu’une planification puisse être maintenant plus dynamique et mieux alignée avec les enjeux à venir des entreprises. Une des difficultés inhérentes à tout exercice de planification stratégique est de faire en sorte que la vision des dirigeants puisse être questionnée (« challengée »), de dépersonnaliser l’entreprise en quelque sorte. On a coutume de dire que, pour que la planification stratégique soit un succès, elle doit procéder d’une volonté de la direction à ce que le plan d’actions qui en résulte soit le fruit d’un processus transparent et large de consultation des acteurs de l’entreprise. Malheureusement, il arrive que la démarche soit structurée de façon à décliner un ensemble d’orientations et actions à partir de prémisses et de balises dictées par la direction. Cela limite non seulement la portée créative et innovante du processus, mais peut également induire des erreurs coûteuses pour une entreprise. Le futur est rarement tel qu’on le visualise. Or, on ne peut le planifier avec des a priori.
Nous savons tous que le cycle d’innovation s’écourte de plus en plus, que les marchés sont de plus en plus perméables, soumis à une concurrence virtuelle et que l’environnement est de plus en plus volatile. Les modèles de lean startup adoptés par la majorité des entreprises innovantes préconisent que le développement de nouveaux produits et de marchés se fasse par itérations successives. Les grandes entreprises s’intéressent aujourd’hui à ces façons de faire qui visent à ce qu’elles soient mieux en résonance avec leur clientèle. Les moyens dont on dispose aujourd’hui pour analyser le présent, voir au loin et radiographier la clientèle permettent d’ajouter de la valeur au processus de réflexion stratégique. En combinant cet « agile thinking » inspiré des startups avec de tels moyens, l’entreprise, et ce quelque soit sa taille, ne peut alors que mettre toutes les chances de son côté pour ce qui est à venir. Autrement, elle n’aura qu’elle à blâmer puisque, comme le disait si bien Cocteau, “l’avenir n’est à personne. Il n’y a pas de précurseurs… que des retardataires!”