L’intégration du Marketing et de la R&D : Quelques arguments clés !
On entend fréquemment que toute entreprise qui n’innove pas court le risque de se faire déclasser par la concurrence. C’est vrai mais qu’en partie. L’innovation, pour être efficace, doit être bien alignée avec les besoins d’un marché. Pour ce faire, des entreprises parmi les plus performantes ont appris à mettre en commun les fonctions ‘développement de produits’ et ‘marketing’ de façon à ce que les produits qui résulteront d’un processus coûteux et long de « façonnage » aient été le plus possible validés commercialement. Les démarches de développement d’innovations intègrent de plus en plus tôt les gens de marketing de sorte qu’ils puissent intervenir dans l’expérimentation des versions successives des produits jusqu’à leur version de lancement (souvent sous la forme de « minimum viable product »). De nouvelles façons de faire tel que le ‘design thinking’ sont de plus en plus adoptées, ce qui témoigne de cette nouvelle manière circulaire de considérer le développement de produits en expérimentant à répétition sur le marché.
Pour beaucoup d’organisations, le délai d’entrée dans un marché qui représente une opportunité (i.e. « speed to market ») est de la plus grande importance. Nous savons tous que la vie utile des produits et des marques est de plus en plus brève (i.e. la fenêtre d’opportunité) et que, en conséquence, la valeur économique de l’innovation sera accrue si celle-ci est mise en marché à temps. Une étude de McKinsey réalisé il y a une dizaine d’années a révélé que les entreprises qui respectaient leur budget de développement mais lançaient leur produit six plus tard que prévu généraient 33% moins de bénéfices sur un horizon 5 ans que les entreprises ayant lancé leur nouveau produit en respectant budget et échéancier.
Cette pression sur le rythme d’innovation des organisations – qu’il s’agisse de nouveaux produits ou d’améliorations de produits existants – commande un rapprochement de plus en plus grand de la R&D et du marketing de façon à ce que les exigences du marché soient bien prises en compte dans le processus de développement. Des outils analytiques web permettent de repérer en amont les tendances qui se dessinent dans un marché, de bien étalonner les joueurs auxquels on fait face et de saisir les états d’âmes et les besoins émergents des clients actuels. Le marketing a pour fonction, dans ce contexte, de s’assurer que tous ces inputs du marché et des clients actuels soient bien communiqués aux responsables du développement de produits. En outre, comme le rôle central de la fonction marketing est de maximiser la valeur (perçue) de l’offre de l’entreprise, ses responsables travailleront étroitement avec les gens de développement pour que le ‘business case’ d’un nouveau produit maximise la valeur des actionnaires de l’entreprise.
La clef de toute bonne stratégie d’entreprise est de maintenir sa supériorité en R&D. Les pratiques de marketing « inbound », largement facilitées par les avancées du « web analytics », constituent aujourd’hui un excellent moyen de d’identifier et de valider des pistes de développement de produits.
La R&D et le marketing doivent travailler ensemble tôt dans le processus de développement afin de s’assurer que tous les efforts déployés dans le développement soient, d’une part, bien alignés sur ce que nous disent les clients actuels et potentiels (i.e. « the voice of the customers ») et, d’autre part, visent à concevoir des produits qui auront un positionnement gagnant une fois mis en marché. En définitive, ce que nous recherchons est une innovation qui confère à l’entreprise une position de leadership concurrentiel et qui est profitable (i.e. qui maximise les FCF actualisés). Ce rapprochement R&D-Marketing pourra être modulé selon la structure, le marché et les enjeux de l’organisation dans son ensemble. Une décentralisation partielle de certaines fonctions marketing au sein du groupe responsable de la R&D peut se traduire par certains avantages tels que :
- Un bon alignement des efforts de R&D avec la stratégie marketing à moyen et long terme de l’organisation;
- la disponibilité de données de marché dans les premières étapes de développement;
- la capacité d’expérimenter les produits en développement dans les marchés visés et de bien analyser les ‘outputs’ de ces expérimentations au bénéfice de la R&D et de la valorisation de l’entreprise;
- la génération de nouvelles idées (ou piste de R&D) qui ne sont pas déjà dans le road map de développement et qui découlent du ‘dialogue’ entretenu par les gens de marketing avec les clients;
- la prise en compte des considérations d’affaires (i.e. le business case) de façon à mieux orienter les activités du groupe;
- un bon phasage des actions de lancement commercial en fonction du road map de développement de produits;
- une culture d’innovation favorisée par une certaine distance avec la bureaucratie.
Dans certains cas, le R&D interne ne peut remplir les exigences du marché et certaines entreprises ont recours aux acquisitions et partenariats pour s’assurer que la vision « produits » puisse se matérialiser en tenant compte d’une fenêtre d’opportunité. Ici encore, une intégration de la R&D et du marketing permettra de bien identifier les bonnes cibles. Tous deux ont un rôle majeur dans ce processus éventuel de M&A.
De grandes sociétés telles que l’Oréal, 3M, GlaxoSmithKline (GSK), Procter & Gamble et Clorox préconisent une telle promiscuité marketing et R&D. D’autres ont des culture d’innovation bien ancrée (e.g., Starbucks) et ont pour philosophie de faire intervenir le ‘business thinking’ (incluant le marketing) dès lors qu’elles identifient des opportunités de nouveaux produits. Il serait certainement intéressant que vous puissiez analyser quelques cas comparables de votre industrie qui ont une telle approche et de voir dans quelle mesure celle-ci pourrait être implantée dans votre organisation.